" Chambres séparées " Pier Vittorio Tondelli

C'est l'histoire de Léo, un écrivain, et de Thomas, un musicien, amoureux mais vivant séparément, Léo en Italie, Thomas en Allemagne. Ils se sont rencontrés à Paris, et depuis ils s'aiment, et forment un couple en vacances, en voyage aux quatre coins de l'Europe. Ils se quittent tout le temps et découvrent qu'ils ne peuvent pas se quitter, mais découvrent aussi que vivre ensemble n'est pas possible. C'est pour cela que Léo prend soin de toujours se laisser une porte de sortie : Chambres séparées, deux pièces séparées de milliers de kilomètres.
Mais un jour Thomas meurt. Léo est en deuil. Comment faire le deuil de son amour, être veuf d'une personne à laquelle on ne peut donner un nom, ni mari, ni femme, ni amant, ni camarade… Il n'y a pas de vocabulaire adapté.
"Chambres séparées" raconte ce deuil, celui que Léo n'arrive pas à surmonter à la mort de Thomas.
Pier Vittorio Tondelli relate l'impossibilité de faire un deuil, l'errance de Léo qui reparcourt les lieux visiter ensemble. Il tente de survivre, amputé de l'homme qu'il a aimé, anéanti par la solitude et le refus de continuer de vivre.
Tondelli écrit avec une force dramatique émouvante cet amour passion et la perte de celui-ci. Son écriture est simple, remplie de sobriété et d'une sincérité qui rendent cette histoire universelle, pas simplement une histoire d'amour entre deux hommes. 
J'avais déjà lu ce livre il y a une dizaine d'années, et le relire aujourd'hui m'a apporté tout autant d'émotions. 

"Pour Léo, la présence de Thomas toute proche est comme un souffle de tendresse où il désire se sentir englobé au plus vite. Il a envie de lui caresser le visage et de le prendre dans ses bras. Il n'a pas besoin de parler, car il sent que les mots qu'il pourrait lui dire, Thomas commence déjà à les connaître."

"Dès qu'il l'a vu, dès qu'il a senti sa présence, il a compris que tout son être était en jeu."

"L'amour est absolu, il ne se commande pas, pas plus qu'on ne peut l'accélérer, l'éviter, le guider. L'amour est totalité, plénitude."

"Mais l'amour a besoin du monde pour s'affirmer et Léo savait à quel point le bonheur devait rester mondain pour s'accomplir."

"Thomas lui manque et il en souffre. Mais il ne perçoit pas sa propre solitude comme un désespoir. Il rentre en lui même, il se replie sur ses propre fantasmes et ses propre souvenirs."

"Tout ce qu'il sait, c'est que depuis qu'il a renoncé à l'amour - … - il ne fait que se concentrer sur lui même pour apprendre à aimer celui qui porte son propre nom."

"Les gens le mettent mal à l'aise, il se sent indécis, peu sûr de lui."

"Chaque jour qui passe, il se rend mieux compte que la perte de Thomas travaille en lui avec une violence explosive dévastatrice et catastrophique."

"Depuis des mois, tout ce qu'il a pu faire ou dire, qu'il ait mangé ou bu, dormi ou voyagé, il l'a fait au nom de Thomas, en hommage à Thomas."

"Il eut la certitude qu'il aimerait toujours, et, en même temps, que cela serait plus jamais possible."

"Le motif profond de son angoisse était d'avoir mesurer combien Thomas, la personne qu'il aimait le plus au monde, était peu autonome, incapables de s'en sortir seul, bref de vivre sa vie."

"Il grandit ainsi à l'ombre de des amours des autres, à l'ombre d'histoires qui ne seraient jamais "son histoire"."

"Il veut se conquérir lui-même, pour ne plus jamais se retrouver dans le karma de l'amour - ne plus jamais avoir à dire à quelqu'un d'autres les mots "Je t'aime" dits à Thomas."

"Il ne s'est jamais senti aussi seul parce qu'il a perdu, avec lui, ce quelque chose qui avait rendu supportable la longue succession de ses solitudes."

"Il est vrai qu'ils ont acquis la certitude de s'aimer encore et de se désirer. Seulement un jour, leurs routes se sont écartées et rien ne pourra plus faire qu'elles se rejoignent."

"Ils font route, vers un lieu de glace où la vie n'est rien d'autre que le vide laissé par un paradis corrompu perdu pour toujours."

"Alors il comprend que ce renoncement à l'amour, qu'il s'est, d'une certaine façon, imposé, est en train de le tuer, de le couper des autres en le confinant dans une zone envenimée et stérile dont il lui est de plus en plus difficile de sortir."

"Le moment est venu de se dire adieu."