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BUH by PTIT SUSHI
30 janvier 2011

"Une gourmandise" Muriel Barbery

gallimard

"Une gourmandise" nous conte les derniers moments d'un critique gastronomique, "le plus grand", celui qui à fait et défait des réputations. C'est un homme détestable et détesté, mauvais mari, mauvais père, égocentrique, mais aujourd'hui il meurt. Et il voudrait retrouver avant de mourir La Saveur, celle qui lui "trotte dans le coeur".
Il s'agit du premier roman de Muriel Barbery, paru en 2000, et on retrouve les prémices de "L'élégance du hérisson". Elle met en place le 7 rue de Grenelle et les habitants de cet immeuble bourgeois. On y croise d'ailleurs Madame Renée. L'écriture et la forme sont identiques et délicieuses. Les descriptions très sensorielles, les saveurs, les textures, les odeurs, nous mettent en appétit d'un bout à l'autre du roman et les mots de l'auteur sont délectables.
Même si cet homme est haïssable, nous sommes séduits par la cuisine et les mots qu'il manipule si bien. Un régal! 

"Plus personne n'avait faim, mais c'est cela justement qui est bon à l'heure des pâtisseries : elles ne sont appréciables dans toute leur subtilité que lorsque nous ne les mangeons pas pour apaiser la faim et que cette orgie de douceur sucrée ne comble pas un besoin primaire mais nappe notre palais de la bienveillance du monde."

"(la cuisine) est, au fond et surtout, d'une sensualité torride, par où nous comprenons que lorsque nous parlons de "chair", ce n'est pas par hasard si cela évoque conjointement les plaisirs de la bouche et ceux de l'amour."

"Une feuille à la légère acidité, suffisamment pointue dans son insolence vinaigrée mais pas assez pour ne pas évoquer, en même temps, le citron confit à l'amertume délicate, avec un soupçon de l'odeur aigre des feuilles de tomate, dont elles conservent à la fois l'impudence et le fruité ; c'est cela qu'exhalent les feuilles de géranium, c'est cela dont je me saoulais, le ventre contre la terre du potager et la tête dans les fleurs où je fourrais mon nez avec la concupiscence des affamés."

"Un tilleul qui embaume dans la fin du jour, c'est un ravissement qui s'imprime en nous de manière indélébile et, au creux de notre joie d'exister, trace un sillon de bonheur que la douceur d'un soir de juillet à elle seule ne saurait expliquer."

"La tomate crue dévorée dans le jardin sitôt récoltée, c'est la corne d'abondance des sensations simples, une cascade qui essaime dans la bouche et en réunit tous les plaisirs. La résistance de la peau tendue, juste un peu, juste assez, le fondant des tissus, de cette liqueur pépineuse qui s'écoule au coin des lèvres et qu'on essuie sans crainte d'en tacher ses doigts, cette petite boule charnue qui déverse en nous des torrents de nature : voilà la tomate, voilà l'aventure."

"Ce fut un éblouissement. Ce qui franchit ainsi la barrière de mes dents, ce n'était ni matière ni eau, seulement une substance intermédiaire qui de l'une avait gardé la présence, la consistance qui résiste au néant et à l'autre avait emprunté la fluidité et la tendresse miraculeuses. Le vrai sashimi ne se croque pas plus qu'il ne fond sur la langue. Il invite à une mastication lente et souple, qui n'a pas pour fin de faire changer l'aliment de nature mais seulement d'en savourer l'aérienne moelesse. Oui, la moelesse : ni mollesse ni moelleux ; le sashimi, poussière de velours aux confins de la soie, emporte un peu des deux et, dans l'alchimie extraordinaire de son essence vaporeuse, conserve une densité laiteuse que les nuages n'ont pas."

"Le pain est plusieurs, le pain est microcosme. En lui s'incorpore une assourdissante diversité, comme un univers en miniature, qui dévoile ses ramifications tout au long de la dégustation. L'attaque, qui se heurte d'emblée aux murailles de la croûte, s'ébahit, sitôt ce barrage surmonté, du consentement que lui donne la mie fraîche. Il y a un tel fossé entre l'écorce craquelée, parfois dure comme de la pierre, parfois juste parure qui cède très vite à l'offensive, et la tendresse de la substance interne qui se love dans les joues avec une docilité câline, que c'en est presque déconcertant."

"Il fuit, il fuit, il fuit l'insoutenable. Son désir de l'autre, sa peur de l'autre."

"Seuls comptaient ses retours et il revenait toujours et cela me suffisait, d'être celle à laquelle on revient, distraitement, vaguement - mais surement."




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